Un exemple d’Imprimé populaire : les journaux de tranchées

Voici une petite synthèse sur les journaux de tranchées accompagnée d’une liste de ressources (numériques ou sur papier) bien fournie. 

« Journaux de tranchées », c’est quoi ?

La Première Guerre mondiale (1914-1918) est rapidement devenue une guerre de position, c’est-à-dire, une guerre sans mouvement. Les soldats sortent de temps en temps pour tenter de faire reculer l’ennemi et le camp adverse fait de même. Finalement, le front ne bouge que très peu. C’est cette situation qui va amener les poilus (nom donné aux soldats de cette guerre) à chercher des moyens de tromper leur ennui. Ils vont se mettre à l‘artisanat (notamment avec les douilles de canon sculptées), écrire à leurs proches (beaucoup de lettres ont été retrouvées et publiées. Je vous renvoie au très diffusé Paroles de poilus : Lettres et carnets du front (1914-1918), de Jean-Pierre Gueno et Yves Laplume dans la collection Librio document (éditions J’ai lu), au prix imbattable de 3€) mais aussi publier des journaux.

Stéphane Audoin-Rouzeau définit un journal de tranchées de la manière suivant : c’est un journal élaboré PAR les soldats eux-mêmes (et pas pour les soldats) durant la Première Guerre mondiale. On estime qu’il y a eu entre 470 et 521 titres en France. Cela a aussi existé en Belgique, en Allemagne et par des alliés anglophone (canadiens principalement). Une journal de tranchées est donc une publication du front en réaction au journaux de l’arrière dans lesquels les poilus ne se reconnaissaient pas.

Techniques d’impression

Techniquement, les journaux de tranchées ne forment pas un ensemble homogène. On y trouve : 

  • des exemplaires uniques manuscrits qui passe de main en main ;
  • des journaux multigraphiés, c’est-à-dire recopiés à la main ;
  • des journaux reproduits à l’aide d’un miméographe (comme celui en photo sur notre site). C’est la première machine légère (et donc déplaçable sur le front) pour des petites impressions ;
  • des journaux copiés grâce à un transfert d’encre à l’aide de pâte de gélatine ;
  • des journaux qui utilisaient des duplicateurs à alcool ;
  • des journaux imprimés à l’arrière (mais bel et bien écrit sur le front : c’est un critère important pour les soldats) et s’acquittant de l’obligation de dépôt légal. 

Ces techniques si différentes vont nécessairement jouer sur les tirages : on passe de un exemplaire unique à des milliers d’exemplaires. 

 

De quoi ça parle ?

Personnellement j’ai pensé qu’il s’agirait de publication contestataire. Et bien, non. Le but de ces journaux est finalement de souder le groupe et de se remonter le moral. Aussi, la guerre en elle-même n’est pas vraiment remise en cause. 

Les chercheurs ont mis en évidence des thèmes récurrents dans ces publications : 

  • Volonté de distraire, de motiver (avec des chansons, des divertissements humoristique…) ;
  • Affirmation d’un esprit de corps
  • Revendication d’authenticité de journal “du front”.

Les journaux de tranchées, c’est pas du tout “underground” et c’est même une initiative soutenu par la hiérarchie (circulaire Joffre de soutien en 1916)

 

Pourquoi est-ce un imprimé populaire ?

Un imprimé populaire est une publication qui est faite et/ou distribuée en marge des institutions. Est-ce le cas ici ? Pas tout à fait, puisqu’on a vu que ces journaux avaient le soutien des officiers. La hiérarchie avait donc donné le feu vert aux soldats pour une expression imprimée. Cependant, on ne peut pas dire que la légitimité de la parole des poilus ait été une évidence. Toutes les illustrations ne sont pas réalisées par des dessinateurs professionnelles, de même pour les textes : le besoin de s’exprimer a pris le dessus sur les conventions habituelles qui font que seuls les « pro » impriment.

Les soldats se sont donc soit appropriés les outils de l’imprimeur, soit ont détourné ce qu’ils avaient sous la main (le miméographe et le duplicateur à alcool servent à la base à la copie de documents administratifs. Ils ont été conçu dans ce but). Il s’agit donc bien (malgré le soutien des gradés) d’une réappropriation de la presse (en réaction aux « vrais » journaux dans lesquels les soldats du front ne se reconnaissaient pas) dans le but de fédérer les soldats. 

Alors, oui, sans l’ombre d’une hésitation, les journaux de tranchées sont des imprimés populaires. Maintenant que vous êtes convaincu, vous voulez en savoir plus ? Pas de problème : on a tout prévu (regardez plus bas).

 

Pour en savoir plus :

Un lieu

Pour ceux d’autres vous qui sont en région parisienne, nous vous conseillons de visiter le musée de la Grande Guerre à Meaux. Nous avons trouvé le musée bien fait et un espace est consacré aux journaux de tranchées. Par contre, prévoyez du temps : le parcours est long et dense.

Quelques livres sur le sujet :

  • Journaux de tranchées, collectif, éd musée du temps (de Besançon) et éd Snoeck de 2014. ISBN : 978 94 6161 2120
    L’ouvrage qui m’a servit de porte d’entrée et qui m’a permis de dépasser mes idées préconçues sur les journaux de tranchées.
  • Revue de presse, de  Romain Dutreix et Toma Bletner, éd. Fluide Glacial.
    Il s’agit d’un recueil de strips qui retrace l’histoire de la presse satiriques et non-conformistes. Même si ce livre ne parle pas beaucoup des journaux de tranchées, je le cite quand même comme étant une lecture intéressante (et divertissante). 
  • Un journal de tranchées : LE MOUCHOIR 1915-1918, recueil de textes de ce journal paru chez Bernard GIOVANANGELI éditeur en 2009 (ISBN 978-2-7587-0052-4).
  • GéoHistoire hommage aux journaux des soldats français de la Première Guerre mondiale, paru en 2018, 19,90€ (vendu uniquement dans les kiosques).
    Intéressant pour la qualité et la dimension des images reproduites. 

 

Et puis des sites :

https://gallica.bnf.fr/html/und/histoire/journaux-de-tranchees

Pour ceux qui ne connaissent pas Gallica, il s’agit de la bibliothèque numérique mise en place par la BNF. En bref, il s’agit d’une fantastique ressource qui permet de consulter de vieux documents numérisés. Depuis 2003, des journaux de tranchées sont en ligne. A terme, c’est 200 titres qui devraient être disponibles. Tous les journaux ne sont pas faciles à lire : abîmés par le temps, écrits à la main, imprimés avec des moyens rudimentaires… Le texte est souvent difficile à déchiffrer.

 

http://87dit.canalblog.com/archives/2013/07/27/27718102.html

Blog (apparemment) consacré à l’armée territoriale bretonnes et normandes (du 87 DIT) lors de la Grande Guerre. L’auteur (non connu) aborde son sujet de façon vaste. Il reproduit de nombreuses unes et des photos (notamment des « imprimeries » avec des fois un miméographe). Ce site constitue une belle intro avant d’explorer l’immensité de Gallica.

 

http://www.mdt.besancon.fr/wp-content/uploads/2015/01/DOSSIER-PEDAGOGIQUE_JOURNAUX-DE-TRANCHEES.pdf

et

http://www.mdt.besancon.fr/wp-content/uploads/2015/01/DOSSIER-PEDAGOGIQUE_JOURNAUX-DE-TRANCHEES-techniques-dimpressions.pdf

Dossier pédagogique réalisé par le musée du temps à Besançon (ville qui a hérité d’une belle collection de journaux de tranchées). C’est simple mais efficace. Les enseignants apprécieront, les autres aussi (même s’ils ne feront peut-être pas leurs exercices).

 

 

 

 

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